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Ô Patriarcat, ta bêtise nous tuera !

            Indignez-vous ! Vous qui me lisez, ne vous êtes-vous jamais demandé pourquoi, malgré l’avancée des lois, les femmes se trouvent toujours entravées, peinent toujours à obtenir les mêmes fonctions, la même reconnaissance qui sont adressées aux hommes ? Souvenez-vous. Souvenez-vous qu’il y a moins d’une cinquantaine d’années que la femme a acquis autant de droits que l’homme – aux yeux de la loi française –, et qu’elle s’est échappée de l’influence du père, du mari ou du frère. Souvenez-vous que des siècles durant, la femme se voyait ôter sa parole. Dès lors qu’elle s’échappait de l’autorité du père, elle devenait prisonnière de l’emprise et des envies de son mari. Son existence ressemblait à un labyrinthe ;  elle était condamnée à devoir rester entre ces murs qu’on lui imposait. Des siècles durant, la société clamait la suprématie et la dominance de l’homme, aussi bien dans la sphère publique que dans la sphère privée. C’est ce qu’on appela plus tard le patriarcat. À l’heure actuelle, beaucoup vous diront que toute trace de cette organisation sociétale a disparu, vous riant au nez, vous insultant de femen – comme si c’était une honte d’adhérer aux idées féministes. Enfin, si tant est que ces personnes sachent ce qu’est le patriarcat. C’est dans cette ignorance, cet aveuglement que repose toute l’origine du problème ; « nous ne pourrons jamais résoudre les problèmes de demain avec la pensée d’aujourd’hui » (A. Einstein). Ignorer, ne pas prendre conscience de l’existence et du mal que cause le patriarcat est une grave erreur !

  1. « Vive les femmes ! » Mépris des femmes et machisme

Tout au long de sa vie, une femme sera exposée à des commentaires et/ou des comportements misogynes et machistes. Cette souffrance commence dès l’enfance. Pour mieux comprendre, suivons la vie d’une jeune fille. Celle-ci a la chance d’aller à l’école, contrairement aux millions d’autres, à qui on a préféré suspendre l’éducation pour organiser un mariage forcé ou pour aider chez elle. Cette jeune fille – appelons-la Girl – joue dans la cour de récréation avec ses amies, jusqu’à ce qu’un garçon de son âge vienne lui tirer les cheveux, sans raison apparente. Le soir, lorsqu’elle raconte sa journée à ses parents, ceux-ci lui répondent : « Qui aime bien, châtie bien ! ». Girl ne comprend pas. Nous non plus. Est-ce également cela que l’on raconte aux personnes victimes de violences conjugales ? Est-ce pour cela que des millions de femmes ne se rendent pas compte du danger avec lequel elles vivent constamment ? Qu'elles meurent sous les coups de leur partenaire ? Parce qu’ils « les aiment » ?

Plus tard, à un repas de famille, elle observe les hommes âgés de sa famille festoyer et boire, pendant que les femmes préparent à manger. Quand elle demande à son oncle pourquoi il n’aide pas à mettre la table comme tout le monde, il rit à gorge déployée, s’empressant d’aller répéter la question de Girl aux autres hommes. Elle ne comprend pas. Girl reste toujours perplexe quand elle voit un autre oncle se frotter à sa tante, chantant sur Les villes de grande solitude de Michel Sardou. Nous comprenons pourquoi la femme se détache de son mari lorsqu’il lui chante « J’ai envie de violer des femmes, de les forcer à m’admirer ».

Girl grandit. Durant son adolescence, Girl souhaite écouter les chansons dont tout le monde parle au collège. Sous le conseil d’un camarade, elle écoute Illégal de Booba. Nous partageons sa surprise lorsque les paroles « J’vais rentrer au pays, marié, quatre grognasses qui m’obéissent » retentissent dans sa chambre ! Quand le tour de A little less conversation d’Elvis Presley arrive, elle éteint sa musique, tout autant frustrée et révoltée que nous. Girl ne comprend pas. Comment peut-on chanter « Ferme ta gueule, ouvre ton cœur et satisfais-moi » sans le moindre remords ? Girl ne supporte pas ces musiques qui font l’apologie de la violence, du viol et du meurtre sur les femmes. Encore moins qu’on utilise l’excuse « c’est de l’art ! » en parlant des compositions de chanteurs comme Johnny Hallyday, pour la simple raison que c’est « plus noble » que du rap.

Elle grandit. Et elle grandit. Girl est furieuse. Elle ne cesse d’être victime des commentaires de porcs, avec ses amies. Une fois, alors qu’elle se promenait avec sa meilleure amie dans la rue, elle a été témoin d’une dispute dans la rue. Un vioc reprochait à une mère d’allaiter en public, en criant comme un fou : « C’est terrible ! Comment osez-vous sortir vos seins à l’air ? Si vous vous faites violer, c’est que vous l’aurez demandé ! ». Girl, à l’instar de nous, y a beaucoup repensé. C’est plutôt la manière de pensée  de ce vieillard qui était terrible ! Girl ne comprend pas. Pourquoi reprocher à une femme d’utiliser ses seins alors qu’ils existent pour cette raison ? Elle déteste que le corps des femmes soit sexualisé et réduit au plaisir masculin. Personne ne souhaite être traité comme un objet ! Des semaines plus tard, lors d’une sensibilisation, elle apprend que la loi de 1880 qui interdisait les femmes de porter un pantalon n’a été officiellement abrogée qu’en 2013, alors elle se promet de toujours porter des pantalons. Le soir, elle annonce à ses parents qu’elle compte couper ses cheveux, pour avoir une pixie cut, similaire à celle des femmes britanniques des années 60 qui l’utilisaient comme une forme de rébellion et d’expression. Son père explose de rire. Girl ne comprend pas. Il tente de la dissuader. Elle lui crache au visage : « Les hommes détestent cette coiffure. C’est à se demander pourquoi ! » « Pourquoi ? » « Parce qu’il vous est plus difficile d’attraper nos cheveux. Et vous ne supportez pas qu’on puisse vous ressembler. Crois-moi, personne ne voudrait avoir votre bêtise. » À sa majorité, elle quitte la maison familiale pour partir réaliser son rêve, loin des hommes de sa famille, sans un regret.

Peut-être n’aurait-elle pas dû se rendre aux États-Unis. Elle n’a pas assez de doigts pour compter le nombre d’hommes qui lui ont reproché sa pilosité, en une après-midi à la plage. Elle regrette encore plus quand le droit à l’IVG lui est ôté, ainsi qu’aux nombreuses autres personnes possédant un utérus, dans ce pays. Elle n’a d’autres choix que de garder l’enfant qui grandit dans son ventre.

Girl ne regrette pas sa grossesse. Ce qu’elle regrette, c’est le regard de la société. Depuis qu’elle a accouché, on ne la perçoit plus que comme une mère. Pour elle, « remplir son rôle » de reproduction signifie désormais devoir renoncer à son identité. Girl ne comprend pas. Malgré les efforts qu’elle fournit, elle n’est plus qu’une mère. Tous ses accomplissements sont passés à la trappe. Après tout, il est « impossible de ne pas être soumise dans une société qui identifie la féminité à la soumission » (Manon Garcia) !

Girl se bat contre les conséquences du patriarcat – discriminations, écart salarial, violences sexistes et sexuelles, inégalités etc. – jusqu’à sa mort. Seulement, elle n’est pas dupe : jamais le monde ne pourra se sortir de ce cercle vicieux s’il ne se rend pas compte de son ancrage culturel et du favoritisme fait aux hommes – il existe une majorité d’insultes visant les femmes !

  1. « On prône l’égalité ! » Ô homme, ô mâle, ô XY

Des millions de personnes, comme le fit Girl, se battent pour une réelle égalité des genres. Et cela commence par supprimer la désinformation des problèmes présents dans notre société. Après avoir démontré combien les hommes pouvaient être machos et mépriser les femmes – inconsciemment, la plupart du temps –, il faut maintenant aborder le favoritisme à l’égard des hommes. Saviez-vous que nous vivons dans un monde qui répond aux besoins des hommes ? Non, évidemment que non. Personne ne nous l’apprend, surtout pas l’école ! (Il y a une majorité d’hommes au gouvernement : ce sont donc eux qui font les programmes scolaires… Il ne faudrait pas qu’on les accuse de torts et qu’on leur vole leur place !) Pourtant, c’est bien le cas. Les horaires de travail en sont la preuve. « Mais les horaires dépendent du travail effectué, cela n’a rien à voir avec ton soi-disant favoritisme ! », vous allez me dire. Vous n’avez pas tout à fait tort, c’est pourquoi nous allons nous baser sur une journée type (du 8h- 18h) d’un travailleur lambda. Pourquoi ces horaires, à votre avis ? Le cycle hormonal des hommes est de 24 heures, ce qui veut dire qu’ils ont le même niveau d’énergie chaque jour, tandis que l’énergie des femmes évolue durant leur cycle de 28 jours. Nous ne contrôlons pas notre cycle hormonal, c’est vrai. Laissez-moi vous présenter un autre exemple. Dans les toilettes publiques, les hommes ont tendance à avoir plus de toilettes, puisque les urinoirs prennent peu de place. Cependant, les femmes prennent plus de temps pour diverses raisons (grossesse, enfants, menstruations etc.), ce qui explique le besoin – non comblé – d’avoir plus de toilettes ! Commencerez-vous à questionner la société si je vous parle de la sécurité automobile ? Des traitements médicaux ? Tous les mannequins utilisés pour sécuriser un véhicule sont de taille masculine. Le premier mannequin féminin au monde n’a été fabriqué que l’année dernière ! (2022) De plus, les études et recherches médicales n’incluaient pas les femmes avant les années 1990. Ne voyez-vous pas un problème ? Ne vous rendez-vous pas compte à quel point la sécurité et la santé des femmes sont passées après celles des hommes ? Personne ne serait étonné d’apprendre que ce sont des femmes qui ont glissé à l’oreille des hommes, qu’eh bien, ce serait peut-être pas mal de travailler sur notre sécurité maintenant !

Cette liste me paraît déjà bien longue et regrettable. Mais elle est loin d’être finie. Depuis peu, une sorte de « règle » s’est mise en place dans le monde médiatique : ajouter un personnage LGBT+. Je ne parlerai pas du fait que certaines personnes – oh, tiens ! Les mêmes qui sont misogynes et machos ! C’est étrange, quand même – râle à cause de cette « règle », quand elle est seulement là pour permettre la représentation. Vous devrez donc vous être rendus compte que dans tout nouveau média, il y a de la représentation LGBT+. Et devinez quoi ? Les couples d’hommes homosexuels sont plus représentés ! Les séries représentant des femmes homosexuelles sont toutes annulées après la première saison. Besoin d’exemples ? Je peux citer : Everything sucks, One day at a time, I am not okay with this, First Kill, Warrior Nun, Willow etc. Ai-je besoin aussi d’aborder la bisexualité dans les deux genres ? Oui ? Voici ce que j’ai pu remarquer : lorsqu’une femme bisexuelle fait son coming out, l’avis général sera qu’elle est hétérosexuelle et traverse une « phase ». Dans le cas d’un homme bisexuel, on lui répondra qu’il est gay et dans le déni. Le point commun ? Notre culture patriarcale part toujours du principe que nous devons être plus attirés par les hommes. Cela expliquerait – mais ne pardonne pas – pourquoi les femmes lesbiennes sont victimes de « lesbophobie » : en plus de cumuler toutes les autres discriminations, elles se retrouvent exclues de la sphère masculine, et souvent sexualisées. C’est enrageant de se dire que, même dans un couple exclusivement composé de femmes, la société se sent obligée de demander aux concernées qui a le « rôle de l’homme » et le « rôle de la femme » ! Tout ceci me dégoûte. Et ne parlons pas de l’idéologie patriarcale, selon quoi une fille attend un garçon, comme une princesse attend son prince charmant. S’il y a bien une chose que je ne peux pas laisser passer : que quelqu’un identifie Mulan à une princesse. Je déteste qu’on ne la considère pas comme la guerrière qu’elle est. Pourquoi devrait-elle avoir besoin d’un homme ? Elle est plus que capable de se sauver toute seule !

Une fois que l’on a exposé l’ancrage des faveurs faites aux hommes – combien être un homme suffit pour être acclamé par les foules –, on est difficilement étonné de savoir qu’ils détiennent un rôle social, économique, politique et religieux supérieurs  à celui des femmes. Malgré l’évolution des lois. Le pire dans tout ça ? C’est que lorsque les hommes sont confrontés à ces vérités, tout ce qu’ils trouvent à répondre est : « pas tous les hommes ! ». Très bien, pas tous les hommes. Mais ce sont toutes les femmes. Pas tous les hommes mais la misogynie tue. La misandrie blesse seulement des egos.

  1. « De quoi pourrait-on souffrir ? Ah ! »  Peines des hommes

On l’aura bien compris, être un homme – blanc, hétérosexuel et non-transgenre – octroie l’admiration de la société. Mais contrairement aux idées reçues, les femmes ne sont pas les seules à souffrir du patriarcat. Rappelons-le, le patriarcat représente l’ensemble des pratiques et des croyances sociales qui distingue les genres et avantage socialement et économiquement le genre masculin. Mais pour cela, il faut qu’ils fassent honneur à ce magnifique, cet incroyable, ce prodigieux, ce sensationnel genre masculin ! (Notez l’ironie). Alors, les petits garçons aussi, depuis leur enfance, font fassent à des « obligations » et une pression constante pour répondre à « l’idéal masculin ».

Si les stéréotypes du genre féminin ont diminué – presque plus personne ne sera choqué de voir une fille jouer au football, s’habiller en bleu, aimer bricoler etc. –, cette évolution est expliquée par la valorisation de ces comportements dits « masculins ». À l’inverse, si un garçon porte une jupe, fait de la danse, met du vernis ou joue avec des poupées, il sera mis à l’écart. Et sa sexualité sera injustement définie : gay. Il sera moqué – « pédé, pédale, tapette » – pour ses passions, parce qu’elles sont dites « féminines ». Si un « garçon manqué » est perçu comme un écart de genre acceptable, faire « comme une fille » est toujours perçu comme un problème, une faiblesse. Pourquoi ? Parce qu’un homme se doit d’être « viril ». Vous ne savez pas non plus en quoi consiste cette « virilité masculine » dont tout le monde parle ? Je vais vous éclairer : une ruse pour renforcer l’exclusion de ceux qui ne respectent pas « le code » des hommes.

Dès le plus jeune âge, on apprend aux jeunes garçons à prendre de la place. Qu’un cousin ne se gêne pas de s’affaler sur ses coudes à table, ou que les filles aient tendance à utiliser l’adjectif « petit » à tout va car il y a cette idée qu’il ne faut « pas prendre de place », sont deux exemples qui prouvent encore une fois l’enracinement de cette idéologie. Les garçons sont encouragés à faire des sports collectifs pour renforcer cette cohésion masculine. Ils délaissent l’empathie et l’exploration des sentiments. « Les garçons ne pleurent pas », après tout ! Cela les ferait trop ressembler à une femme.

 

            Le patriarcat, par des artifices et des déguisements, reste ancré culturellement dans notre société. Pas seulement les femmes, mais également les hommes souffrent de cette répression ! Pour le défaire, il faudra s’armer de détermination et d’ouverture d’esprit. Les féministes ne renonceront pas à l’éliminer.

 

MOULINOT Susan